Le texte qui suit est extrait d'une intervention faite à l'INSEP auprès de l'équipe de france de karaté (la relève...) le 28 février 2001 et repris en partie dans le journal de la ligue des Hauts de Seine (janvier 2001). Il servira de cadre à l'édition prochaine d'un ouvrage sur le thème de la souplesse;

F.F.K.A.M.A
Stretching, « Stretchkaraté » et "wave stretching"
pourquoi et comment s'étirer ?
0x01 graphic

Intervenant : Philippe Darchis-Dorléans

Sommaire :
1 - Présentation de l'intervenant :
2 - Les différents types de souplesse :
3 - Les bienfaits du travail de la souplesse :
4 - les deux postulats de base au travail de la souplesse et recommandations.
5 - Souplesse excès et déviations (articles à paraître dans la ligue des hauts de seine)
6 - « Stretchkaraté » ou le principe d'ondulation.

 

 

2 - Les différents types de souplesse :
Introduction :

Quel que soit l'art martial pratiqué, aucun échauffement ne saurait faire l'impasse sur le travail de la souplesse. Mais qu'entend-t-on par « souplesse » ? s'agit-il de la seule souplesse du corps ? la souplesse se limite-t-elle à la possibilité ou non d'exécuter le grand écart ? et si non existent-ils d'autres types de souplesse ? si oui comment les travaillent-t-on , à quelle fins ? enfin est-elle une fin en soi ? pourquoi devenir souple ?
Voici quelques questions auxquelles je vais tenter d'apporter quelques éléments de réponse nourris de mon expérience personnelle...
Tout d`abord, il convient de distinguer plusieurs types de souplesse :

Souplesse naturelle et souplesse travaillée :

  • la souplesse naturelle : "corporelle" dite de "base", qui peut être musculaire et/ou articulaire. Les deux ne vont pas forcément de pair. On peut être souple sur le plan des articulations et rigide et contracté musculairement. C'est l'exemple type des férus de body building qui veulent à tout prix parvenir à faire le grand écart en contractant continuellement les muscles !! certes, à force de volonté, certains parviendront à acquérir une souplesse articulaire au détriment d'une souplesse musculaire....

Il va de soi que cette optique est à proscrire parce :

  • qu'elle ne respecte pas le principe de progressivité et d'écoute de son propre corps ; c'est une démarche aveugle voire avilissante.
  • Qu'elle n'est valable qu'un court moment dans la vie d'un pratiquant. En effet, avec l'âge les micro traumatismes se réveilleront tôt ou tard.
  • la souplesse travaillée : autrement dit la marge de progression de chacun qui varie selon l'âge, son vécu traumatologique, ses dispositions naturelles, son assiduité et son courage. Une souplesse de base musculaire ou articulaire non travaillée est une souplesse « passive ». La souplesse s'acquiert certes mais surtout s'entretient.
  • Souplesse « mentale » et disponibilité mentale
  • autrement dit, l'ouverture d'esprit : certainement la forme de souplesse la plus importante bien que la moins apparente et médiatisée. Combinée au courage, c'est elle qui permet d'installer durablement les acquis. "Etre souple dans sa tête", c'est écouter son corps, ses limites, ses envies aussi... C'est aussi faire preuve de créativité. Oui de créativité ! ! car il ne faut pas se contenter de rester souple sur des exercices que l'on a l'habitude de travailler mais expérimenter sans cesse d'autres voies, en cherchant de nouveaux "verrous" corporels et positions inédites. En comparaison, un élève "souple" dans la tête et moyennement dans corps parviendra à devenir plus "souple" qu'un élève à l'esprit hermétique ayant de bonnes dispositions corporelles.

Expérience perso : Pour ma part, j'ai développé au fil du temps une perception virtuelle de mon corps qui m'oblige ainsi à ne rien négliger. Je sais, sans les voir, dans quel sens sont orientées mes chevilles, mes bras, l'axe de mon bassin. Aussi, rappelez-vous que l'être humain naît naturellement souple. Il n'y a qu'à observer un nourrisson qui se déplace, s'assoit ou s'accroupit. Ses muscles sont constamment souples et relâchés mais peuvent se contracter en une fraction de seconde. Le bassin reste ouvert en toute circonstance et même si ses appuis sont hasardeux, sa gestuelle, bien que maladroite, est un modèle de relâchement.

 

En conclusion, avant d'être souple dans son corps, l'élève doit l'être dans sa tête. Et s'il est important de devenir souple, il l'est encore plus de le rester !!

On peut exécuter le grand écart sans être parfaitement "souple". La souplesse n'est pas une fin en soi. Elle participe au bien être et à l'expression générale de l'individu. Etre souple signifie plus que parvenir à exécuter tel ou tel mouvement ou position. C'est choisir la vie par opposition à la mort qui nous rend rigide et muet.

3 - Les bienfaits d'un travail de souplesse :

Sur l'Individu :

avant l'effort : prévenir les risques d'accidents musculaires et articulaires.

    après l'effort : meilleure récupération du corps, des muscles notamment. Possibilité d'enchainer plus facilement des épreuves ou des séances soutenues d'un stage.
    circulation des énergies internes facilitée (digestion, respiration, circulation du sang et des fluides intérieurs...)

Sur sa Pratique :

    • plus grande aisance technique. La volonté ou l'intention d'exécuter tel enchaînement n'est pas contrarié par les limites du corps. Cet aspect est très important en ce sens que la souplesse participe à l'expression, du kimé...

 

remarques : Le travail de la souplesse est d'autant plus grand et durable qu'elle qu'il s'accompagne d'autres approches tels que la respiration ou le travail de l'ondulation du corps. A un niveau avancé en souplesse ou en Yoga, le travail de la respiration est même indispensable pour progresser davantage. En résumé, le travail de la souplesse physique - qu'il soit articulaire ou musculaire - n'est qu'une partie d'un tout beaucoup plus large.

Avec quel état d'esprit travailler sa souplesse ?

Savoir travailler sa souplesse c'est savoir gérer sa douleur. Autrement dit , procédez comme en Yoga, par paliers successifs. Lorsque la douleur se fait trop vive, ne cherchez pas à forcer davantage. Maîtrisez là, absorbez la, acceptez la, puis une fois dissipée, descendez d'un pallier supplémentaire et ainsi de suite. Respecter les règles essentielles de progressivité de l'effort, c'est se prémunir contre les incidents articulaires et musculaires et en un sens respecter votre corps

4 - les deux postulats au travail de souplesse et recommandations simples :

Les postures d'échauffement que nous adoptons en karaté « Shotoki » s'inspirent des "asanas" propres au yoga qui mettent en action de manière progressive et dynamique - mais non brutale - les groupes musculaires utilisés en karaté. On n'atteint pas ses genoux avec sa tête avec plus de facilité en forçant sur ses bras comme un forcené. Au contraire, c'est la meilleure manière de s'abîmer la colonne vertébrale et de provoquer des micro-traumatismes irréversibles.

Deux postulats de base :

  1. le travail de la souplesse ne s'acquiert qu'une fois les muscles chauds autrement dit pas avant 20 bonnes minutes d'échauffement.
  1. la souplesse musculaire ne s'acquiert que si les muscles sont relâchés et décontractés.

Quelques recommandations élémentaires :

  • ne négligez aucune partie du corps à l'échauffement, tête, cou et orteils compris. Un cours ne portant que sur les attaques de poings ne saurait faire l'impasse sur l'assouplissement de la hanche par exemple.
  • commencez toujours par effectuer vos exercices de souplesse par de petites amplitudes que vous augmenterez par la suite.
  • veillez à conserver le dos droit lors des exercices d'assouplissement. Par exemple, il est préférable de ne pas toucher sa jambe avec un corps droit qu'être capable de le faire le dos rond.
  • pensez à conclure chaque mouvement d'étirement et d'assouplissement d'une expiration plus ou moins longue, calée sur le rythme de l'exercice. Le fait d'avoir le ventre vide et compacte comme une pierre en phase terminale du mouvement vous permet de ressentir l'exercice dans sa globalité.
  • pour les exercices d'assouplissement veillez à alterner les exercices dits « passifs » et « actifs ». Les premiers sont exécutés sans à-coups, le buste descendant en douceur et progressivement sur la jambe pallier par pallier à la manière d'un yogi. Les seconds sont exécutés de manière saccadée mais toujours de manière progressive, le but étant, non pas l'amplitude maximale, mais l'amplitude qui sera nécessaire aux positions adoptées lors de la séance.
  • pour tout exercice de souplesse jambes écartées, veillez à conserver sa jambe avant dans l'axe de son corps, la plante du pied pointée vers l'avant. On constate trop souvent des pieds décalés ou décalés par rapport à l'axe de la jambe. Là aussi, les règles primaires et essentielles de la géométrie du corps doivent être respectées.
  • votre gagnerez plus rapidement en souplesse en travaillant avec un partenaire (ou avec un tabouret). En effet, l plupart des exercices passifs et d'étirements peuvent être effectués à deux. Jambes écartées sur le sol, alors que vous exécutez une série d'étirements du buste sur la jambe, droite puis gauche puis devant, votre partenaire place toute la surface de son buste sur votre dos. Ce travail combiné offre plusieurs avantages :
  1. l'étirement est exécutée avec une plus grande amplitude.
  2. Les risques de micro traumatismes sont limités du fait que le poids de l'adversaire sur votre dos par exemple, en absorbant la douleur, évite les crispations vives.
  3. Les défauts de base - notamment le maintien du dos plat - sont plus facilement rectifiables puisque le dos du partenaire, qui fait office de contrepoids, maintient la colonne vertébrale sur un plan rectiligne.

Travailler sa souplesse avec un partenaire (ou un tabouret...) augmentera en moyenne de 20 à 30% votre marge de progression.

Et puis, pensez à vous frictionner les muscles avant l'échauffement et vous les masser après la douche. Utilisez un baume qui aura pour effet non pas d'échauffer votre muscle (le massage ne remplace pas l'échauffement...) mais de l'exciter, lui indiquer en sorte qu'il va travailler. C'est le genre de petit détail que l'on ne néglige plus quand on avance dans l'âge...

La souplesse : excès et déviations :

Les seuls véritables modèles en matière de souplesse demeurent les professeurs de Yoga. Pour le reste, méfiez-vous des conseils et des formules toutes faites prodigués dans la presse spécialisée pour réussir par exemple " le grand écart ". cela pourrait prêté à rire si de les recommandations ne desservaient pas - souvent de manière irréversible - bon nombre de pratiquants  pour lesquels réussir le grand écart représente un "must", une fin en soi,

Ainsi j'entends dire ici et là "... pour réussir le grand écart, il faut de la volonté, de la persévérance et du travail. Désolé de décevoir ceux qui croient à ce genre de fariboles mais pour certains réussir le grand écart sera quasiment impossible. A quoi bon gagner quelques centimètres de souplesse sachant que l'énergie et le temps investis pourraient être utilisés de manière plus fructueuse à développer d'autres approches ?

Qui sont les modèles présentés comme modèles de souplesse ? en majorité des corps " body buildés ", qui ont travaillé leur souplesse en aveugle sans conscience intime et compréhension de leurs mécanismes intérieurs. Attendons de voir comment évolueront ces nouvelles gloires dans quelques années et nous verrons si leurs conseils est aussi efficaces qu'ils le prétendent....

A ce stade, il me paraît utile de rappeler quelques évidences...

  • la souplesse n'est pas synonyme d'acrobatie. Ainsi voir sur une photo, un karatéka parvenant à placer à placer un coup de pied sauté (ushiro tobi geri) n'est pas une preuve en soi de sa souplesse mais une condition à l'exécution de cette technique.
  • apprenez à décrypter ce que ne montre pas d'une premier abord les photographies dont beaucoup sont sujettes à de multiples trucages (ou masquages).
  • combien d'exercices de souplesse sont exécutés le dos rond ? (excellent pour les dorsales mais quid des lombaires ?) parvenir à toucher son genou avec sa tête le dos rond n'est pas une preuve de souplesse du bassin (tout au plus de vos dorsaux et des muscles du cou !).
  • combien de grands écarts faciaux nous sont présentés alors que les talons et le centre de gravité ne sont pas alignés sur une même ligne mais forme en fait un triangle isocèle quasiment indécelables aux yeux des néophytes ?
  • soyez perspicace ! Affirmer travailler 15' à 30' stretching avant et après chaque séance ne renseigne en rien sur l'efficience des exercices pratiqués ! C'est le type d'argument qui impressionne spontanément mais qui doit être systématiquement relativisé, et pas seulement en matière de souplesse.
  • la discipline pratiquée ne renseigne en rien sur la souplesse de ses adhérents. Je connais des judokas qui sont raides comme des katanas mais dont l'habileté et la tonicité suffit à faire la différence.

Enfin, ne vous laissez pas abuser pas les démonstrations de souplesse. Ce n'est pas parce qu'un tel parvient à exécuter un grand écart facial que son grand écart latéral sera forcément correct (d'autant qu'il existe non pas une mais deux manières d'exécuter un grand écart latéral selon que la hanche de la jambe arrière est placée - ce que l'on a l'habitude de voir - au centre et non tournée dans la direction de la jambe avant, position moins répandue et infiniment plus difficile).

6 - « Stretchkaraté » ou le principe d'ondulation.

Le stretchkaraté est une nouvelle approche du stretching qui s'inspirent des techniques de karaté Shotokaï, de Yoga, de Shintaïdo et de stretching traditionnel. Fort de ces filiations, il conjugue le travail d'ondulation et de la souplesse mais sans l'esprit martial de compétition ou de self défense. Son but est de conserver voire augmenter le potentiel des pratiquants de manière harmonieuse et unifiée. Harmonieuse car les mouvements s'inscrivent sur un rythme donné par le professeur, unifiée car c'est tout le corps qui se meut à la manière d'une vague des genoux jusqu'à la nuque respectant ainsi le principe d'ondulation ».

Expérience personnelle : Pendant des années, parce que je parvenais à faire le grand écart et autres positions "extrêmes" dont rêvent bon nombre de pratiquants de karaté, je croyais être souple, suffisamment pour ne pas remettre en question mon programme d'entraînement composé d'exercices statiques et dynamiques. Ce n'est qu'après avoir découvert le Shintaïdo que cette vision s'est quelque peu modifiée. En effet, j'ai compris qu'un exercice d'étirement dynamique n'était pas synonyme d'exercice effectué à la va vite, à rythme soutenu. Le "dynamisme" dont je parle tient compte du rythme bien sûr mais aussi de la manière dont s'articulent les chaînes musculaires et articulaires. Ainsi pour chaque exercice d'étirement plutôt que d'amener - même correctement c'est à dire le dos droit sur la jambe la tête tendue loin devant - j'amène mon corps sur ma jambe en insufflant à mon buste et donc à ma colonne vertébrale un mouvement d'ondulation comparable au mouvement d'une vague qui déferle ou à un serpent qui se dresse et se rabat au sol. Cette ondulation peut prendre alors deux directions inversées. Soit j'amène mon buste le dos droit sur ma jambe puis termine le mouvement le dos rond, soit je commence par la rentrer vers mon ventre puis déplie toute ma colonne vertébrale afin de revenir le dos droit. Les avantages d'une telle pratique sont multiples :

A procéder ainsi, vous travaillez...

  • toute l'amplitude de votre mouvement en mobilisant toutes les chaînes musculaires et articulaires du haut de votre corps, de la colonne vertébrale notamment des cervicales aux lombaires.
  • le sens du rythme. En effet, le mouvement d'ondulation doit commencer lentement s'accélérer progressivement. Correctement effectué, vous sentirez non seulement que vous travaillez la souplesse mais que vous vivez - et non subissez - cette souplesse.
  • le "souffle" en coordonnant intelligemment votre respiration sur l'amplitude et le rythme de l'exercice pratiqué.
  • le corps tout entier et non pas seulement une partie. Cette approche "systémique" vous amènera progressivement à unifier votre corps, à vous sentir "un" avec lui même si vous exécutez des étirements locaux.

Assez éprouvant et surprenant au départ, ce travail d'ondulation est la voie royale vers la souplesse du corps et le "bien être" que procure cette souplesse.

Attention, quoiqu'en disent les tenants du Shintaïdo, cette pratique peut occasionner d'importants traumatismes au niveau des articulations (genoux notamment à cause des fameux "sauts de canards") et du dos...!!

 

 

Copyright ©2000-2001 Karaténergy.
Loi 1901 déclarée.